Roulements de tambours !

Le velours rouge bordeaux du rideau tombe sur la scène, cachant de coulisses improvisées… Sur le sol noir d’encre résonnent des pas, légers.
Vous ne savez si c’est un homme ou une femme, silhouette androgyne au sourire fixe, marqué de pourpre qui vous fixe, avant de revenir vers le public en un chassé silencieux, ponctué du bruit de ses talons qui claquent. Son regard est rieur, lueur taquine d’un être qui va rire à vos dépens… forcément. Véritable Joker, volontaire anonyme.
Une pirouette habile du maître de cérémonie qui salue gracieusement son public, les grelots au bout de son micro teintant sa démarche étrangement fluide. Et vous voilà sur scène ! Acteur d’une minute, d’une seconde où votre vie est mise entre parenthèses…
Ici, vous n’êtes plus ou presque. Le sort décidera des facéties faîtes à votre existence.

La silhouette au masque d’argile et de couleurs vous fait signe d’avancer, petit sourire toujours au coin des lèvres, presque goguenard.
« Et voilà que commence le premier combat de la journée, improvisation extrême, ouvrez grands vos mirettes, chers londoniens, et applaudissez nos courageux participants, ils vont en avoir besoin ! »

Vous avez été séparés en équipe, inconnus qui devront collaborer jusqu’à se trahir.
Pas de désistement possible.

« Derrière vous se situent plusieurs malles, débordantes de couleurs et choses plus ou moins identifiées.
Vous avez dix minutes pour vous changer et nous concocter le meilleur déguisement, à votre choix mais uniquement avec ce que contient les deux malles qui sont de votre côté. Le but ? vous faire plus laid que le cul de votre grand-mère, bien évidemment ! hum, peut-être pas jusque là, mais il faut faire rire »

▬ Du côté de Loki, parmi tout le foutoir se trouve entre autre une lunette de Wc, des bas en soie léopard et une vieille veste militaire miteuse des années 45.
( le reste du contenu des malles est laissé à votre imagination )

▬ Si on se penche un peu plus sur le contenu de celles de James, beaucoup de tulle rouge ressort du coffre, il s’agit d’un jupon, mais si l’on fouille bien on trouve aussi des cachous et de la patte à mâcher au fond, ainsi qu’une toque de fourrure. A voir si vous arriverez à trouver le reste des parures à temps …

Une fois les dix minutes écoulées, le Joker vous poussera gentiment sur le devant de la scène. Lancé de tomates ou applaudissements, on verra, il s’agira à ce moment là de séduire votre public en mettant en scène votre « personnage », votre visage fou, faciès du Carnaval.

Grognement. Le premier d’une longue série à venir. Je n’aimais pas la foule. Surtout en cette journée néfaste. Les fêtes nationales, ça puait. Surtout celles des anglais. Ils n’avaient rien d’autre comme idées que d’organiser un match d’impro. Au magnifique prix, je-sais-même-pas-lequel. Mais ô combien prix intéressant pour Misha. Surtout que cette fripouille de petite sœur m’avait inscrit sans mon consentement. En minaudant après, avec ses yeux de chien battu pour que j’accepte de monter sur cette scène avec ce guignol guidant le spectacle. En plus, il était ridicule avec son masque d’argile…

Une main innocente –ou pas- me poussa dans le dos, m’invitant à monter sur cette estrade. J’avais l’impression d’être ridicule. Même habillé normalement, le visage grimé d’un drapeau anglais par Zoë que j’avais fini par perdre dans la foule –pas une grande perte. J’essayais de ne pas paraitre trop agacé, bien qu’un rictus mauvais restait accroché à mon visage. Pitié, mettez fin à ce calvaire. Les arènes, me donner en spectacle, j’y étais habitué. Mais pas devant des imbéciles heureux à moitié saouls. Enfin, si… mais bon.

J’haussais un sourcil accusateur au tas de babioles me servant de déguisement. C’était un match d’impro, pas un concours de déguisement ? Je regardais à gauche à droite, cherchant après un moyen de m’échapper. Passer derrière un décor ou partir en courant à toutes jambes. Malgré la foule, j’arriverais à m’en sortir. Je pouvais le faire. Sauf que. Une fois à la maison, j’imaginais bien une furie m’accueillir… Pourquoi je suis aussi docile parfois ?

Bref. J’enfilais la veste militaire, un poil trop courte, laissant voir mon torse découvert. Les organisateurs n’ont pas prévus de taille XL j’imagine ? Bande de salauds. Par contre, les bas collants, ils pouvaient se frotter pour que je les mette. De nombreuses plaintes, cinq avortements de crises de nerfs plus tard, j’étais fin près, le bas collant enroulé autour de ma tête, retenant mes cheveux roux du mieux possible. La lunette de wc… la lunette de wc tenue en bouclier blanc, de manière à me protéger des ennemis invisibles. Il était hors de question que je le porte autrement.

Foule et jury, me voilà…

Oser avancer

Vous le ne voyez pas, caché sous ce blanc et ce bleu presque noir, mais il sourit. C'est même certain. Commissures des lèvres qui s'étirent en une mimique goguenarde. Satisfait, du moins pour un début, qui sait ce qu'il pourrait ressortir de ses idées bien trop souvent farfelues ?

Son regard opaque se pose sur vous, tour à tour, suivi d'un petit hochement de tête approbatif en direction de son assistante, petite lutine verte aux cheveux auburn, éternelle complice de ces facéties. C'est elle qui vous a poussé, guidé, encouragé d'un sourire faussement innocent. Mais tout ceci fait partie du jeu, et vous y avez déjà trempé une patte, autant se jeter à l'eau...
En général, pousser les gens à se dévoiler sur scène n'est pas la tâche la plus facile du Joker; c'est qu'il en a vu des récalcitrants intempestifs ! Bien téméraires au début, puis perdant de leur verve, de leur assurance, ne l'étant plus quelques minutes plus tard.
Un délice...
Mais la fournée de cette année promet semble t-il, à vous voir le nez plongé avec délectation, passion et désespoir dans les malles à votre disposition. Il est resté là, se dandinant sur ses chaussons à grelots, savourant d'avance ce qui va suivre, sans jamais savoir de quelle manière ça va tourner.
Il se joue de vous, de lui-même, créant, tout en laissant la parole libre. Et toujours y prendre un malin plaisir.


Le rideau s'ouvre... Et tandis que les derniers pans de velours se retirent, vous êtes poussés, invités sans ménagement vers le devant de la scène.

« C'est à vous de jouer maintenant ! » vous souffle t-il avant de reculer, grand rire aux bord des lèvres, courbette gracile, jouant du pied sur le sol ciré. Rôle jusqu'au bout des ongles, dans la peau.

Et ce qu'il dit est vrai, c'est à vous de montrer que votre équipe peut remporter cette épreuve d'audace, que vous méritez la foule, et surtout ... que vous êtes LE "personnage" qui vaut le détour. Jouer l'un avec l'autre, l'un contre l'autre, n'oubliez pas: C'est le Carnaval, tout est permis... ou presque.

Attention néanmoins où vous posez le pied, l'installation de la scène ne se serait-elle faite trop rapidement ?...

Tu les hais, tous, de ce regard noir que tu leur portes.

Je retins un grognement, une chose verte me poussant par le dos… tenta de me pousser. J’étais un bloc de glace qui ne demandait pas à bouger. Alors que l’idiot au masque faisant des pirouettes, s’amusant vraisemblablement de la situation dans laquelle le blond et moi nous étions fourrez. A force de sentir la chose verte qui voulait me faire avancer par tous les moyens possibles, je bougeais sur le côté, l’observant tomber à mes pieds. J’haussais un sourcil. Si ce truc pouvait me servir…

Une expression parfaitement mauvaise sur le visage, traduite en un rictus mauvais et des éclairs lancés par mes yeux, je kidnappais la lutine rousse, la choppant par le mollet et la tirant jusqu’aux devants de la scène. Cette fille devait bien être payée pour faire ce genre de choses, non ? La foule commença à pouffer de rire, alors que je soupirais, retenant du mieux de possible le nuage noir qui planait dans mes pensées. Non, les tuer n’étais pas le meilleur moyen d’en finir rapidement, même si j’aurais eu l’autorisation de l’organisateur /regarde Lineae/

L’éclat doré qui enrobait Misha me permit de la retrouver plutôt facilement dans le public. Elle pouffait dans ses mains, comme un peu près tout le reste de l’assemblée. Elle avait intérêt à ce que le lot soit bien, parce que…

Retenant un juron, je soulevais la lutine sans aucune effet, d’une main. L’être fantastique ne sembla pas à son aise. Tant mieux, il me fallait bien un catalyseur pour que je puisse effacer ma frustration le plus discrètement possible. Je le posais sur mes épaules, m’assurant qu’elle ne risquait pas de tomber tout de même. J’avais encore besoin d’elle pour les minutes à venir. Après, elle pouvait se blesser, ça ne me dérangerait plus.

« T’as intérêt à prouver que tu mérites ton salaire l’elfe. »

Aurait-il été nécessaire que j’apprenne à mon nouveau compagnon de jeu que je n’étais pas un danseur né, ni un danseur en devenir ? Je n’eus pas le temps de considérer la réponse. Les pieds du danseur l’apprendraient bien assez tôt, une fois que j’aurais écrasé les oreilles de ce blond en tutu. Déséquilibré par la chute de mon compagnon de fortune et de l’elfe qui vraisemblablement, ne tenait pas en place, je m’étais retrouvé embarquer dans cette valse à contrecœur, emporté par le mouvement de l’autre homme.

Crac. Douce sensation de la semelle qui écrase quelque chose de vivant en dessous d’elle. Me dégageant le plus possible, nous fîmes plusieurs pirouettes sur place. Je ne sais pas comment, mais la main de l’humain se retrouva dans la mienne, ressemblant de très très trèèèèèèèès loin à un couple de danseurs.

Mais voilà, puisque tout semblait bien se passer depuis une vingtaine de secondes, sous les rires et applaudissement moqueurs du public, l’elfe m’étrangla par mégarde. Je basculai en arrière, entrainant dans mon élan mon partenaire de danse. Succession de pas maladroits pour rester debout le plus longtemps possible, je terminais le bras tendu d’un côté, de l’autre tutu-man, dans une position presque glorieuse. Presque