Skyler Tempest Membre
Age : 24 ans Messages : 30
| Sujet: Skyler Tempest Sam 11 Fév - 13:59 | |
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Skyler Tempest « Rien n'est gratuit en ce bas monde. Tout s'expie, le bien comme le mal, se paie tôt ou tard. Le bien c'est beaucoup plus cher forcément. »
Nom : Tempest, mais je n’empeste pas. Prénom : Skyler, Thane ; Sky, hors des formalités. Age : 24 ans. Nationalité : Anglaise. Sexualité: C’est entre toi et moi. Métier : J’ai été, plus que je n’suis. Hier figure importante du petit écran, porte-parole ou instrument politique, mon engagement est aujourd’hui moins éclatant. J’ai désormais plus d’aisance à l’écrit qu’à l’oral, c’est pourquoi je privilégie les sites internet dont j’ai la charge.
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Dual ? Oui.
Si oui, son pouvoir s’est-il manifesté ? Quel est-il ? Oui. J’ai un rapport particulier à l’énergie. Les explosions que je provoque, dans l’absolu, n’impliquent aucun effet pyrotechnique. On a déjà tenté de m’expliquer les relations entre matière et antimatière. On a vu en moi une sorte d’aberration de la physique, un Big Bang en miniature dans le pire des cas. Il y a de quoi sourire, peut-être aussi de quoi trembler. Mais j’n’ai jamais eu l’intention de provoquer le moindre dommage. Mon corps abrite un champ d’émission énergétique que je peux projeter ailleurs dans l’espace, moyennant un contact visuel appuyé : la pétarade est immédiate, elle est dangereuse, peut blesser les autres et moi aussi bien. Mais je suis prudent. Du moins je croyais l’être.
Sens surdéveloppé: Le toucher. Mais je n’me targue pas de pouvoir reconnaître le grain de ta peau entre mille.
A-t-il rencontré son Dual « Z » ? Bien sûr ! Et je le vois encore souvent. En rêve.
Que pense t-il des Duals ? A sept ou huit ans, la conviction que nous n’étions pas dangereux fondait déjà mon existence. J’étais auréolé par un idéalisme insensé qui me poussait à croire que notre volonté seule pouvait garantir les gens de la supposée menace que nous représentions. J’avais sous-estimé ou ignoré d’autres facteurs qui, une fois en jeu, font irrémédiablement de nous nos propres victimes. J’ai peur pour les Duals. J’aimerais les protéger d’eux-mêmes. Il est donc tout naturel, pour commencer, que je n’les touche plus et que je cesse définitivement d’avoir recours à mon pouvoir.
Physique et Caractère
La nature, le monde… on m’a beaucoup souri. Trop pourvu par la première, j’ai fait de mon mieux pour ne pas paraître insolent aux yeux du second, pour que mon regard n’ait ni la dureté ni la froideur du jade mais la suavité et la fraîcheur d’une menthe à l’eau. Ce n’est pas à proprement parler une imposture. Je n’cache rien de mauvais et mon charme n’a jamais servi que de louables intentions, n’est-ce pas ? Je n’considère pas mon prochain comme un faire-valoir ; au contraire, j’estime devoir rendre… d’une façon ou d’une autre les égards qu’on a pour moi.
Tu comprends, en examinant la malice de ma physionomie, que mon plaisir dépend du tien. Je me subordonne à toi sans arrivisme ni duperie. Avec élégance et subtilité, j’aime à te sublimer comme le ferait un philanthrope, pour mieux jouir par la suite de ton plus bel état. Ne te méfie pas, tu n’y gagnerais rien de sérieux ; qu’un jeu, qui sans doute n’amuserait que moi. Tu n’dois pas m’en vouloir si l’expérience m’a appris le pouvoir des mots, l’importance de l’adaptation. Tu n’dois pas m’en vouloir si j’ai souvent su quoi dire pour endormir les soupçons, si on m’a quelquefois pardonné plus facilement qu’à un enfant. Je suis politique et ludique, mais dangereux ? Non.
Pourtant, tu cherches. Tu me cherches au-delà d’une prétendue perfection télévisée, parce que tu as sans doute du temps à perdre. Parce que tu prétends m’avoir connu. Je t’oppose une pudeur inopinée qui te pousse à me trouver changé. Je brille moins. La conviction n’élève plus mon talent d’orateur ; ma parole se débat, se veut espiègle éternellement, mais le ton est aussi gris que le suaire qui me tombe sur les yeux. Je te donnais jusque-là l’impression d’être grand, et je le suis assurément, cependant… une prostration, désormais, semble quelquefois forcer l’affaissement de mes épaules et de mon dos. La longueur de mes muscles se délie maladroitement. Ma minceur ne confine pas encore à la maigreur, mais je n’ai plus de bonheur aux joues. Je refuse que tu le saches. Tu m’obliges à feindre, et le jeu me coûte. Ton regard m’a fait prendre conscience que je n’avais jamais vraiment joué la comédie. Jusqu’à maintenant.
Je n’me souviens déjà plus du temps où je dormais tranquille. J’estime avoir subi ce qui peut arriver de pire et de plus injuste à la jeunesse : j’incarne tout à la fois un avant et un après car j’ai été forcé, par un désabusement définitif, à un bilan existentiel prématuré. Tu sais que je n’supporte pas la gravité. Or, j’y suis réduit. Je me lève chaque matin écœuré par un sentiment d’exagération auquel je n’peux remédier. Je ris amèrement de mon idéalisme qui n’est plus à mes yeux qu’un défaut. Une qualité répugnante. Même en amour, ma naïveté ne m’avait encore joué aucun tour. Je garde la marque tangible de l’Erreur sur mon côté droit, tristement satisfait de pouvoir en apprécier chaque jour le relief. Bien entendu, ce devoir de mémoire ne regarde que moi : n’y accorde aucune importance lorsqu’au-delà de ma tenue faussement négligée, tu y passes la main. De même que la cigarette et l’alcool, toi, inavouable toi, dans tout ce que tu as d’éphémère tu es une passerelle menant à l’oubli. Jamais à la guérison.
Histoire
En écrivant, je n’fais qu’éprouver ma propre sincérité. Tu n’en connais pas les bornes. Moi non plus.
Hors des voyages que ma condition permettait et permet encore, j’ai passé ma vie à Londres. D’après ma tante, le confort et l’argent ont suppléé à « l’absence » de mes parents, si bien que, selon toute apparence, je n’ai jamais vraiment souffert du délaissement. Je crois pour ma part que ma tante, je l’appellerai Bailee, a surtout su recevoir la première tout l’amour que j’avais à donner. C’est elle qui s’est chargée de mon épanouissement. Son ouverture d’esprit a beaucoup adouci la rigueur des grandes écoles que j’ai dû conquérir, et son statut de linguiste m’a très naturellement rendu réceptif à la moindre forme de communication.
La nounou m’emmenait donc souvent chez Bailee, où je passais de surcroît chaque week-end quand elle n’était pas en mission. Lorsqu’elle pouvait se permettre de ne travailler qu’à moitié, je restais en sa compagnie, sinon je jouais avec mes deux cousins. Je n’ai pas su tout de suite ce qui nous rapprochait, ce qui avait définitivement attiré son attention sur moi au-delà de l’amour familial, qui je le rappelle n’avait rien d’une évidence chez les Tempest – comme l’acceptation en général, d’ailleurs, mais je n’voudrais pas anticiper sur mon jugement d’adulte. Bailee entretenait des rapports superficiels avec mes parents pour ne pas avoir à leur dire ce qu’ils ne voulaient de toute évidence pas entendre. Je sais qu’ils étaient vraiment beaux et très attachés à leur sécurité financière ; de dignes requins, en somme, qui ne voyaient aucun problème à concevoir un enfant de façon administrative, pour l’éduquer de façon administrative, et le considérer durant tout le reste de sa vie de façon administrative. Ma tante, de son côté, avait raté son mariage et très tôt divorcé. Elle ne s’était jamais embarrassée d’avouer sa véritable nature à l’entourage familial dont l’intolérance pouvait atteindre des sommets phénoménaux. J’ai été l’exception. Ma propre révélation installa entre nous une intelligence exclusive.
D’après Bailee, j’avais trois ans quand son contact m’a éveillé. J’aurais un jour enclenché un petit générateur de bulles offert par elle et me serais amusé à sauter pour éclater celles qui menaçaient de m’échapper. L’une d’elles y ayant réussi, je l’aurais regardée fixement en reprenant mon souffle. Et juste avant qu’elle n’éclate au plafond, une petite explosion se serait produite, aurait crevé la bulle et laissé une trace sur le plâtre. Il paraît que la première libération d’énergie m’a beaucoup effrayé et que j’ai mis du temps avant d’en provoquer de nouvelles.
C’est la peur enfantine, je crois, qui m’a fait prendre conscience du danger que représentait mon pouvoir. Bailee m’a très tôt accoutumé à la discrétion, tout en m’apprenant à l’insu de tous les secrets de ma nature. Petit, j’étais plutôt sage, rarement destructeur. A sept ans, je témoignais déjà d’une sensibilité certaine, d’une ouverture sur le monde qui en laissait présager la conquête au moyen de bons sentiments. Je n’étais pas destiné à l’entretuerie. Tout au contraire, j’étais bon. Intolérablement bon.
J’ai fait mon premier pacte avec Bailee à l’âge de huit ans. Je n’me souviens pas vraiment des premières années, mais elle m’a expliqué avoir beaucoup profité des vacances scolaires pour m’inculquer les principes relatifs à mon pouvoir, qui exigeait de moi un certain équilibre, un tempérament modéré. Obsédé par un sentiment d’inadéquation, je souhaitais me prouver à moi-même que je n’étais pas dangereux, que je pouvais inspirer et servir autre chose que la peur et le mal. Nous nous entraînions, m’a-t-elle dit, sans acharnement mais de manière constante. Comme elle pouvait agir sur l’espace et restreindre elle-même les champs d’émission que je créais, nous n’eûmes aucun problème avec l’extérieur. Mes parents et la nounou, quant à eux, n’étaient pas assez curieux pour venir chercher sous la plante de mon pied droit le cygne stylisé qu’avait fait éclore mon engagement.
J’étais parallèlement livré au système éducatif anglais. Je n’en dirai pas grand-chose, à part que j’ai plus ou moins su m’accommoder de mes riches petits camarades avec qui je nouais déjà, sans le savoir, des relations d’intérêt ; mais d’intérêt seulement, parce que d’après Bailee, je n’me reconnaissais pas du tout dans la majorité d’entre eux, et mon statut d’héritier n’y changeait rien. Plus je me confiais à elle, motivé par la perplexité que m’inspiraient ces enfants-là, plus elle m’habituait à l’idée que j’étais le vecteur supplémentaire d’une idéologie différente, et donc d’un conflit. J’en prenais mon parti durant les années suivantes.
Je pense dès lors ne plus avoir besoin d’invoquer la voix de ma tante. En classe, je figurais parmi les plus éveillés tout en sachant que je devais me conformer aux modèles prédéfinis. Je gardais jalousement l’éducation « clandestine » que me fournissaient les sentiers battus de la littérature. Les livres me venaient bien sûr de Bailee. Sur son exemple, je n’lisais pas comme un rêveur ou un contemplateur, mais comme un chercheur. Trop jeune encore pour maîtriser les apparences et la parole, les mots me semblaient une heureuse alternative : je pouvais les considérer avec recul, y revenir à ma guise, et ils n’exigeaient pas de moi que je les comprenne sur-le-champ. Il m’était permis de déjouer leurs pièges tranquillement. A l’inverse, l’immédiateté des échanges vivants dépassait encore mes capacités d’appréhension, auxquelles je travaillai par conséquent.
Je basculai véritablement dans ma réalité de Dual à douze ans. Mes cheveux et ma pilosité, à l’origine blonds, commencèrent à grisonner. Le processus fut long et je le remarquai assez vite pour me renseigner auprès de Bailee avant d’avoir à affronter la curiosité méprisante de mes géniteurs. Son expérience personnelle lui fit songer à un éventuel effet secondaire de mon pouvoir dont j’avais redoublé l’usage, aussi m’emmena-t-elle sans tarder chez un médecin qui comptait parmi ses intimes. Je ne demandai pas à ma tante s’il était lui aussi un Dual, s’il savait pour nous, et me contentai d’admirer leur échange à demi-mot, au terme duquel il déclara : « Je lui diagnostiquerai une canitie. Ca peut arriver aux adolescents. C’est rare, mais ça peut arriver. »
Aujourd’hui, et les quelques récalcitrants mis à part, l’insertion sociale d’un Dual n’est officiellement plus un tabou. Mais à l’époque, l’acceptation n’avait encore rien d’une évidence parmi les hautes sphères, et quand je frôlais un camarade, quand je reconnaissais en lui un semblable, nous étions viscéralement tenus de n’en rien dire à personne. La pression de nos familles respectives pesait beaucoup sur nous, et toute la ruse que déployait Bailee pour me soustraire à l’intolérance de mes parents en témoignait assez bien. J’eus un édifiant aperçu de leurs idées un soir, quand Bailee, m’ayant déposé à la maison, s’étonna de trouver mes géniteurs installés dans le séjour. Après s’être « cordialement » informée du succès de leurs déplacements à l’étranger, elle leur fit remarquer avec une causticité mal retenue que, peut-être, il y avait chez moi quelque chose de changé. Ma mère, en s’approchant de moi sans me toucher, s’aperçut la première de mes sourcils devenus entièrement gris et de ma blondeur qui mourait partout ailleurs sur ma tête. Dans le silence le plus complet, Bailee remit à mon père le diagnostic du médecin et s’en alla après m’avoir souri. C’est lui, cet homme, qui se chargea ensuite avec réserve de m’accorder un peu d’attention, de me dire qu’il avait eu vent de mes excellents résultats et qu’à mon âge, je devenais enfin intéressant, capable de discussion. Qu’il mette tant de légitimité à s’être jusque-là débarrassé de toutes ses responsabilités envers moi me souleva le cœur. Et parce que je l’avais depuis longtemps renié, parce que j’avais depuis longtemps déplacé l’intégralité de mon amour filial en l’adorable personne de Bailee, je n’admettais pas qu’il se permette ainsi de juger ma qualité. Ma mère affectait un air de componction et s’innocentait déjà : je ne la concernais plus au-delà des formalités familiales. Lasse de me regarder, craignant peut-être que ma vue ne lui rappelle ses manquements, elle proposa à mon père de rendre public le diagnostic médical au sein de mon école, afin qu’aucun bruit déplaisant ne coure à mon sujet. Quand j’eus l’audace de réclamer une précision, mon père, l’air pincé, me répondit qu’en raison de mon jeune âge, un tel phénomène, il désigna mes cheveux, pouvait donner lieu à de malheureuses conjectures au sujet de ma véritable nature, et qu’il ne souhaitait en aucune manière être associé aux « aberrations » qui menaçaient l’humanité et l’ordre des choses.
Je n’écoutai pas la diatribe qu’il me servit au sujet des Duals. Ou plutôt, elle dut me paraître tellement absurde que je n’saurais la retranscrire ici sans avoir l’impression de perdre l’intelligence des mots.
Mon père a tout de même eu un rôle décisif puisque sa bêtise m’a poussé à la révolte. Tu sais que je n’suis pas fondamentalement narcissique. Tu imagines donc qu’il a dû atteindre des sommets pour que j’aille jusqu’à m’exhiber sur un plateau de télévision. Mais ma cause était bonne : je voulais montrer que nous n’étions pas des aberrations, que c’était une affaire de cœur plus que de nature et que le mien me dictait une conduite pacifique ; je voulais montrer que ma jeunesse ne m’empêchait pas de tenir mon pouvoir en bride, aussi destructeur soit-il. J’aspirais, et c’était mon utopie, à ce qu’il en soit ainsi pour chaque Dual. J’y ai cru, et j’ose penser que d’autres y ont cru avec moi, comme on sourit indulgemment à un enfant.
Je pourrais m’arrêter là. Tu lis sans doute le Daily People ? Alors tu sais que je suis devenu mon propre investissement et que j’ai permis à d’autres d’investir sur moi en entrant dans la bourse. Que j’ai créé tout un tas de sites internet et que j’ai participé à de nombreuses émissions pour défendre mes convictions. Que j’ai eu un succès fou. Que j’aurais pu incarner une véritable révolution. Bailee m’a énormément soutenu, c’est avec elle que j’ai travaillé mes démonstrations. Cela dit, le Daily People, c’est un peu comme la Bible, il ne faut pas croire tout ce qu’on y raconte, n’est-ce pas ? Tu le sais ? Je n’leur ferai pas un procès, mais j’ai quand même lu de belles conneries à mon sujet. Par exemple, je n’ai jamais touché aux drogues, du moins pas au point d’intégrer une maison de redressement. Je n’ai pas quitté le domicile familial à seize ans ; au contraire, mes parents m’ont incité à partir plus tôt, et je me demande moi-même ce qui m’a pris d’attendre si longtemps avant de rejoindre Bailee. Je n’ai pas non plus d’enfant caché avec je n’sais quelle actrice du grand écran : elle s’est contentée de réchauffer mon lit, ce qui a été très aimable à elle parce que ce soir-là je n’lui en demandais pas davantage et elle non plus.
C’est maintenant que commence mon véritable devoir de sincérité, je suppose. Tu as dû sentir, dans les lignes précédentes, une légèreté de ton un peu forcée, un tour oral destiné à balayer mon appréhension. C'est-à-dire que… Je croyais vraiment que notre volonté suffirait à nous rendre maîtres de nous-mêmes, en somme garants de la sécurité des autres. De notre propre sécurité. Je n’m’étais jamais senti l’âme d’un monstre, pourtant mes croyances insouciantes m’ont rendu monstrueux. Criminel. Pour moi, l’acceptation coulait de source, elle était au fondement de l’humanité, et j’aimais à croire que les Duals n’étaient pas si dissociables des humains que nos détracteurs le prétendaient. « C’est à cause d’enfoirés comme toi qu’il a fallu inventer le mot « tolérance » avec tout c’qu’il a d’absurde ! » C’est ce que j’ai dit à mon père, quand je l’ai revu au faîte de ma gloire. Aujourd’hui, j’en vomirais presque. J’en ai déjà vomi.
J’y viens. Ce jour-là aurait dû signer ma fin. Mais j’ai été insolent. Jusqu’au bout.
Je suis entré dans ce café, très sûr de moi, rayonnant de cet art que Bailee m’avait si soigneusement appris : celui de savoir donner de l’importance aux autres. Les sourires m’avaient toujours rendu joyeux, et ceux qu’on m’adressa, qu’ils aient été sincères ou motivés par ma célébrité, achevèrent de me mettre dans d’excellentes dispositions. J’ai chaleureusement serré la main de ces Duals, sans tenir rigueur à celui qui, me dit-on, serait en retard, et nous nous sommes installés sous le regard attentif des vigiles. L’endroit, par chance, était plutôt calme et n’avait rien de pittoresque, ainsi pouvais-je mieux me livrer à la contemplation de mes invités. Je leur parlai du principe de l’émission, en supposant humblement qu’ils ne le connaissaient pas, me fis interrompre par la prise des commandes, puis par le service. Enfin par lui. Aimable, je me levai dès qu’il se fit annoncer. Aimable, je me précipitai sans savoir. Appréciai son sourire. Lui tendis la main. Le touchai. J’aurais pu me montrer naïf jusqu’au bout. Mais je n’eus pas même le temps de croire à une défaillance des percolateurs. Il n’y eut plus le moindre vrombissement.
On me dit que je devais cesser de bouger. Que je ne devais surtout pas tenter de cracher le sang que j’avais dans l’estomac. Que je devais cesser de pleurer. Que tout irait bien.
Mon lien avec Bailee s’est rompu. Lors de mon réveil définitif, quand on eut réalisé sur moi toutes les reconstructions nécessaires à ma survie, je distinguai dans la brume de mes yeux plusieurs présences qui m’attendaient. On s’approcha. Mais, les nerfs fragilisés par l’anesthésie, je pleurai encore, sans pouvoir m’en empêcher, pris de nausées parce que je n’me sentais rien d’autre qu’un amas de chair épuisée. Je me rendormis aussitôt.
J’avais tout rejeté hors de moi. Y compris moi-même. Au bout de quelques jours, j’appris de vive voix ce que du plus profond de mes entrailles je savais déjà. Il y avait eu des morts, et j’avais eu l’audace de rester vivant. Et j’aurai l’audace de vivre. En réalité, personne ne connaissait l’exacte teneur des événements. Moi non plus. Je n’avais que des soupçons. Mais je voulais être coupable, parce que j’estimais avoir été l’un des vecteurs de la destruction : j’en avais eu la sensation, j’en avais désormais le sentiment. Avec ce qu’il me restait de jugement, je donnai congé aux enquêteurs qui ne me semblaient pas dignes de recevoir ma vérité. Je prétendis ne plus me souvenir, et les médecins m’accordaient volontiers un état de choc dû à « l’explosion » ; cependant, Bailee veillait sur moi sans que je n’ose lui adresser un regard, parce qu’à sa vue mon cœur s’emballait d’avoir trop cru. Dans mon immobilité, je concevais avec peine le tribut que j’avais dû payer à ma bonté. Mon intérieur rougissait de honte. Je n’ai pas voulu ce qui est arrivé.
| Pseudo: Jester Avatar: Gokudera Hayato de KHR Un mot de plus ? Pub !! \o/
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