Bonsoir, bonsoir !
En voyant cette section, j'ai eu envie de solliciter vos avis (en toute franchise bien entendu) sur mes élucubrations littéraires. En gros, j'ai attaqué depuis un moment l'écriture de mon second roman, et j'aimerais donc avoir votre opinion sur le prologue que voici. Je n'en met pas plus car ainsi, si vous avez aimé cela vous donnera l'eau et à la bouche et si au contraire vous n'avez pas aimé, je vous aurais épargné des pages et des pages de lecture inutile. Sur ce, enjoy !
Les étoiles d’Orzena
Tome I – Sombre Lumière
Prologue
Le petit cimetière faisait salle comble en ce dimanche après-midi maussade. Adossé contre un muret, en retrait et les yeux fermés, Gaël écoutait avec attention les murmures parcourant la foule de ceux venus assister aux funérailles.
_ « C’est vraiment affreux ce qui lui est arrivé…
_ Oui, c’était quelqu’un de bien, un joli bout d’femme en plus.
_ Le maire n’est pas là ?
_ Non, il paraît qu’il n’a toujours pas accepté sa mort.
_ Trente ans de mariage aussi…
_ Par contre, IL est encore là, LUI.
_ Le vagabond ? Où… Oh oui, je le vois. »
Gaël leva les yeux vers ceux ayant remarqué sa présence, souriant avec amusement en les voyant détourner le regard d’une manière bien trop brutale pour en être innocente. Il ne leur en tînt pas rigueur, sa réputation de sans domicile fixe errant dans la forêt associé à sa tenue vestimentaire atypique ne l’aidaient pas à s’intégrer parmi les habitants de Parmain, petite banlieue rurale française réputée pour sa tranquillité et son niveau de vie en parfaite adéquation avec les familles aisées y résidant. De plus, le fait qu’il assistait à toutes les funérailles n’attirait pas la sympathie à son égard mais plutôt la suspicion, ce qui se vérifia immédiatement lorsqu’un policier en tenue de cérémonie s’approcha de lui.
_ « Monsieur, je vais vous demander partir, s’il vous plait. Votre présence dérange la famille de la défunte. »
Le vagabond se retînt de rire en comparant sa tenue et celle du policier. Avec son long manteau en vieux cuir marron et son chapeau de cow-boy, Gaël semblait tout droit sorti d’un vieux western ce qui était, il s’en doutait, inapproprié dans une telle situation. Ne désirant pas créer d’esclandre, il s’inclina légèrement tout en retirant son chapeau, libérant ses longs cheveux blonds rendus poussiéreux par ses nombreuses nuits passées à même le sol.
_ « Je suis conscient de la singularité de ma présence ici monsieur l’agent, répondit-il, mais j’appréciais la femme du maire. Elle m’avait salué une fois, et avait même prit le temps de discuter un peu. J’aimerais, avec votre permission, assister à la cérémonie, même si je dois pour cela m’éloigner afin de ne pas incommoder la famille de la défunte.
_ Vous promettez de bien vous tenir ?
_ C’est une évidence, monsieur l’agent. »
Le policier l’observa quelques instants, l’air suspicieux, puis hocha finalement la tête avant de retourner à sa place. Gaël soupira, observa le chapeau dans sa main et fit demi-tour, n’oubliant pas d’attraper au passage l’imposant sac de randonnée qui l’aidait à transporter ses affaires, à savoir quelques vêtements et de nombreux bibelots pour la plupart inutiles. Après s’être éloigné de l’attroupement, il alla s’asseoir à côté d’un caveau rongé par le lierre, situé dans le coin le plus éloigné du cimetière. De là, il observa la cérémonie se dérouler : l’hommage rendu à la défunte par tous ses proches, le discours du prêtre, la descente du cercueil, les fleurs jetées dans la tombe, l’ensevelissement de cette dernière, les pleurs, les dernières adieux, la foule qui se disperse lentement. Quelques uns jetèrent un regard au vagabond, mais pas un ne trouva la force ou la volonté de l’aborder, pas même les policiers qui s’en allèrent également, tous se rendant au déjeuner qui suivait ensuite à la mairie. Au bout de quelques minutes, l’orage se fit entendre et les premières gouttes de pluie virent tremper le sol, poussant la plupart des personnes encore présentes à partir rapidement pour se mettre à l’abri. Enfin seul, Gaël se leva avec lenteur, son sac sur les épaules, et s’approcha de la tombe. Ignorant la pluie qui, à présent, tombait dru et le frigorifiait jusqu’aux os, il s’agenouilla au sol et posa ses deux mains gantées sur la dalle recouvrant la tombe tout en fermant les yeux. Au bout de quelques instants, il sentit une vibration familière, quelque part dans le sol, qui remontait lentement.
_ « Bien, vous êtes toujours là, murmura-t-il. Je suis navré, mais j’ai besoin de vous. »
Retirant son gant droit, le vagabond révéla une main qui en aurait horrifié ou fasciné plus d’un : au lieu de doigts, ce furent cinq morceaux de chair calcinée en forme de clés anciennes qui se révélèrent et bougèrent avec lenteur, comme engourdis à force de rester immobiles. Repliant quatre de ces appendices, il tendit celui qui se trouvait à la place de l’index et le dirigea vers la tombe. Après quelques instants, une brume lumineuse s’éleva du sol, interrompit sa course à hauteur de Gaël, semblant hésiter, puis se dirigea lentement vers son doigt tendu, s’enroulant autour, s’y fondant avant de s’évaporer au bout de quelques instants. Expirant longuement, le vagabond remit son gant, recoiffa son chapeau et s’éloigna de la sépulture, un sourire satisfait aux lèvres. En sortant du cimetière, il jeta un œil aux alentours. Sur sa gauche, le centre ville se dessinait autour d’une large rivière avec de nombreuses maisons modernes ainsi que plusieurs immeubles au loin, le tout ponctué par les klaxons des quelques voitures qui se croisaient à cette heure-ci de la journée. Sur sa droite, la route s’enfonçait dans une épaisse forêt à la géographie chaotique, les larges collines laissant place aux profonds fossés dans une perpétuelle irrégularité géographique. A mi-chemin entre la civilisation et la nature, ce fut vers cette dernière que Gaël se dirigea. C’était toujours elle qui l’accueillait à bras ouverts, l’abritant, le protégeant, le choyant. Du moins, c’était ce qu’il aimait penser.
La pluie continuait de tomber, arrêtée en partie par les hauts arbres de la forêt de Parmain. Au plus profond de cette dernière, bien loin des sentiers balisés, Gaël retrouva le vieux cabanon qui lui servait d’abri. Après y avoir déposé ses affaires, il se dirigea vers une marre formée par les averses et y guetta son reflet déformé par le mélange entre l’eau et la boue. Difficile de croire que son corps était celui d’un jeune homme d’environ trente ans : l’azur de ses yeux était assombri par les profondes cernes entourant son regard, et son sourire mutin s’associait mal avec son bouc qui, en l’absence d’entretien régulier, prenait ses aises en poussant de manière désordonnée. En passant la main sur son corps à travers le tissu, il pouvait sentir ses côtes ressortir, ses muscles d’antan ayant fondu depuis quelques années à cause de la malnutrition. Sa gloire, sa prestance et son charme étaient définitivement des reliques du passé, mais il n’en avait cure. Il avait plus important à penser.
De retour au cabanon, Gaël s’installa en tailleur sur le vieux matelas lui servant de lit, baissa son chapeau devant ses yeux qu’il ferma avant d’adopter une respiration lente et régulière, sa main droite dégantée tendue devant lui, paume vers le ciel, le majeur replié vers lui. Le temps sembla s’arrêter autour de lui tandis qu’une forme spectrale s’échappa de son corps, se condensant dans l’air pour former une boule d’énergie. Au même moment, un disque de ténèbres se forma dans la main du vagabond, attirant à lui la sphère lumineuse tout juste crée qui y disparu rapidement, ne laissant derrière elle que quelques panaches de fumée. Alors que le temps reprenait son cours, Gaël garda les yeux fermés, fronçant les sourcils de temps à autre, de légers tics nerveux parsemant son corps de soubresauts. Après un long moment, son corps commença enfin à se détendre, ses muscles s’apaisant tandis qu’un air serein se dessinait sur son visage, semblant le rajeunir d’une dizaine d’années.
_ « Reviens ici sale chienne ! »
Cette injure lancée à travers la forêt fit sursauter Gaël, le sortant de sa transe. Clignant des yeux pour reprendre peu à peu ses esprits, il se leva avec lenteur et sortit du cabanon, sur ses gardes. Qui pouvait bien s’aventurer dans une zone boisée aussi profonde ? Mis à part un chasseur qui s’était égaré une fois, personne ne venait jusqu’ici, et c’était entre autre pour cette raison qu’il avait choisi cet endroit.
_ « Vas-y cours ! Cours trouillarde !
_ Tu ne pourras courir toute la nuit !
_ Sur la droite ! Sur la droite ! »
Tandis que les invectives fusaient, Gaël observa le ciel : la nuit était en effet tombée, les cieux dégagés du moindre nuage faisant place aux étoiles. Combien d’heures s’étaient écoulées durant sa transe ? Ce dérèglement temporel était assez contrariant, mais il ne pouvait pas y faire grand-chose. Marchant avec prudence, évitant de faire le moindre bruit, le vagabond suivit le son des voix qui semblaient s’arrêter au même endroit. Se plaquant derrière un arbre, il jeta un œil sur une scène surprenante : une adolescente, pas plus de dix-sept ans à première vue, était perchée maladroitement en haut d’un arbre, tandis que trois autres jeunes filles l’encerclaient en bas, lui jetant des pierres pour la désarçonner.
_ « Essaye de fuir maintenant pour voir ! Cria l’une d’elle.
_ C’est vous les lâches, répondit celle qui se trouvait sur l’arbre, vous n’êtes pas capables de m’attaquer seule à seule ! Vous êtes pitoyables !
_ Ferme là et descends, sale chienne ! »
Une adolescente persécutée au point d’être poursuivie jusqu’à cette partie sombre de la forêt, un spectacle surprenant pour Gaël qui, bien qu’observant la scène, ne comptait pas intervenir. Ce n’était pas ses affaires après tout, tant que ces jeunes n’allaient mettre le chaos dans son vieux cabanon pour le transformer en vulgaire squat. Prêt à se désintéresser de la scène pour rentrer chez lui, son attention fut néanmoins retenue par le son d’une étrange respiration dans son dos. Se retournant avec prudence, l’homme se retrouva face à face avec un sanglier qui, tout comme lui quelques instants auparavant, regardait la scène. L’animal était étrangement calme, et ce fût tout juste s’il lui jeta un regard, celui-ci étant bien trop concentré sur les jeunes filles. Son comportement était de toute évidence atypique, aussi Gaël resta à sa place, attendant de voir comment les choses allaient évoluer, surtout maintenant que le sanglier se dirigeait lentement vers les adolescentes. Le vagabond leva sa main droite, un sourire satisfait étirant peu à peu ses lèvres tandis qu’un frisson lui parcourait le bras : il y a avait bien quelque chose d’étrange dans la présente situation, de surnaturel même, quelque chose d’assez important pour attiser son intérêt. Se plaquant de nouveau contre l’arbre, il reposa son regard sur la scène, suivant les évènements avec une attention redoublée.